mercredi 28 décembre 2011

De Raiatea à Nouméa


Départ à 6h du matin le 3 décembre 2011 pour 2380 nm. On attaque sous spi sous un ciel un peu chargé. Voyons Bora Bora s'effacer puis Maupiti, au revoir la Polynésie française et merci. Dans la traditionnelle houle croisée, il faut se ré amariner petit à petit. Dans la nuit, un paille en queue a voulu se poser sur notre girouette et l'a cassé, merci bien. Ce n'est pas un perchoir!
Commence pour nous un enchainement sans fin de changements de voile. Le vent est très instable et les grains menaçants. On enchaine Spi de tête, spi fractionnel, foc, GV avec 1, 2 ou 3 ris... Tout le jeu est d'estimer si le grain est pour nous, et comment il va frapper. Capu devient une experte en la matière et les paris vont bon train. A chaque fois, c'est un peu la surprise! La routine commence à être rodée à bord pour les manœuvres, et donc notre temps de réaction réduit au fur et à mesure que notre entrainement s'intensifie. En effet, ça ne va pas en s'améliorant.
On mettra 3 jours pour passer une zone bien nuageuse. Ensuite c'est la promesse d'un meilleur vent. On s'aide même de temps en temps du moteur pour accrocher au plus vite le vent espéré.
Une nuit, un booby squatte notre panneau solaire tribord, et il revient le lendemain avec un pote. Un peu de bateau stop ne fait pas de mal apparemment. L;'atterrissage est assez scabreux! Le bout de bôme est d'abord envisagé, puis le panneau, mais faut éviter la canne à pêche pour y arriver et bien se poser sur le bord du panneau, sinon ça glisse et un coup de roulis leur offre une belle glissade.
Le 6, nous croisons 2 bateaux de pêche, au milieu de nulle part. Dans la soirée, après un empannage pour se mettre sur la route, on sera même en route de collision avec l'un d'eux. Dingue. Ce dernier nous laissera courtoisement passer.
Grâce à la levure de boulanger apportée par Blanche et Philippe à Tahiti, on s'attaque au pain. Et ça marche! Un régal. Depuis le temps qu'on est parti, il était grand temps de savoir faire du pain... Dans notre lancée, on fera des petits pains aux raisins secs un autre jour, aux olives, et aussi des pizzas. On améliore ainsi notre alimentation.
Le 8, on lit quelques blogs que Capu avait copié pour savoir ce qu'il y a à faire aux alentours de Nouméa. Un peu de couture sur la chaussette du spi fractionnel, ainsi que sur son sac.
Le jour suivant commence alors un grand jeu de patience! Le vent nous quitte. C'est une mer d'huile! Aïe, on fera même seulement 15 miles nautiques en 24h, un record de lenteur. Les seules fois où on est plus lent, c'est au mouillage. On commence à douter sérieusement de pouvoir rallier Nouméa pour Noël. Le 11, on retouche enfin un peu de vent après un point météo avec Hervé. Il faut contourner la bulle par le nord. Donc en avant sous reacher et GV, le moral revient. 3 petits thons jouent avec notre vague d'étrave, impressionnant. Hélas, à la tombée de la nuit, un énorme grain arrive par le nord et bouche l'horizon. On affale foc et GV en catastrophe. On établit le bateau sous 3 ris et trinquette. Ça souffle vraiment fort, on est en fuite. Du coup, tout nos efforts pour rallier le nord sont anéantis! Tant pis pour le contournement de la paroisse, le vent est trop instable. Du coup, on tente de profiter de chaque souffle, de chaque nuage pour nous rapprocher des Tongas. Les changements de voile sont incessants. Le temps se fait long quand le bateau se traine!
Le 14, nous passons enfin les Tongas. Dans la pétole pour ne rien changer. Juste en sortant de l'archipel, un banc de thon passe derrière nous en laissant un de 3,5 kg sur la ligne. Un régal en sashimi le soir même et cuit avec du paprika le lendemain. L'eau est chargée de plancton en tout genre ainsi que de larve de corail. On espère que ça ne va pas trop s'accrocher sur notre coque. Déjà qu'on n'est pas bien rapide, alors de la végétation en plus...
Le soir, c'est l'enfer. Grains sur grains! On enchaine les manœuvres comme jamais. Le repos sera pour le lendemain. Au petit matin, on croise une île sans lumière. C'est une drôle de sensation.
Le vent se stabilise un peu, on avance enfin de façon raisonnable sur la route. Le 17, nous passons de TU -12h à TU +12h en passant l'antéméridien. Donc instantanément, nous passons du 17 au 18 décembre. 24H en un rien de temps.
Le 18, on se rapproche d'un dépression qui nous donnera derrière un bon vent portant pour rallier Nouméa. Mais il faut d'abord la passer. C'est au travers, dans une mer de plus en plus grosse que nous attaquons la bête. On croise un pécheur dans la nuit ainsi que des petites lumières clignotantes qui nous font craindre un filet. Heureusement, on passe sans encombre. Toujours sous foc et GV 2 ris, le bateau bien gité. Mais vers minuit, des petits grains s'enchainent qu'on arrive à passer en faisant le gros dos lors de la première risée. Quand un grain approche, après toute notre phase de questions, arrive l'approche. Tout d'abord, on ressent un air frais descendre des hauteurs. Puis une risée bien violente tombe sur le bateau, suivie de la pluie (en générale forte à très forte). Le vent baisse mais la pluie reste. Une fois le grain passé, il n'y a plus de vent pendant une durée proportionnelle à la taille du grain. Seulement, passé une certaine taille, non seulement le vent est fort dès le début, mais il dure tout le long de la pluie. C'est ce dernier typede grain qui nous met par terre vers 3 h du matin. 45 nœuds de vent d'un coup d'un seul. Le temps d'affaler la GV, les patins de tête et des 3 premières lattes sont cassés. La mer est déchainée et on est trempés jusqu'aux os. On est pour de bon dans la dépression. La pluie ne cessera pas de toute la nuit. Donc on remet les patins à la frontale et en ciré pour relancer de la toile et se remettre sur la route. Au petit matin, on remet tout bien. La dépression est passée nous donnant un vent de sud tant attendu. Encore une nuit où on a troqué les manœuvres contre le sommeil. A 15h, on envoie le spi de tête. Capado cavale à nouveau. La houle s'organise un peu, ça bouge encore pas mal, mais nous avons enfin le système qui nous emmènera jusqu'à Nouméa. Quel soulagement!
Dans la journée du 20, Adrien à la barre voit un panache sortir de l'eau. Sans être trop marseillais, il était plus haut que la fontaine sur le lac à Genève! Une belle baleine à en juger par la tache d'eau turquoise qu'on voit, tel un récif. La baleine fait d'abord mine de passer à 500m sur notre babord, puis change de route et on se retrouve en route de collision! Vite, hydrogénérateur à l'eau et on démarre le moteur, histoire de bien signifier notre caractère non animal. Le message est passé, la baleine s'arrête à 100m du Capado. Ouf!
Le soir même, à la tombée de la nuit, on perd le contrôle du bateau.... Impossible de le garder en ligne. On affale le grand spi, le petit spi ne sera pas plus convaincant. On craint une défaillance dans la tringlerie des safrans. Vidage des coffres arrières et contrôle, mais tout à l'air en ordre. On se met sur l'autre bord, et là on retrouve un peu de contrôle, étrange. On retourne en babord amure, mais le bateau est toujours aussi instable. On se dit que vu l'état chaotique de la mer, babord amure n'est pas très adapté. Donc on passe la nuit en tribord amure, on y verra mieux de jour.
Effectivement, en plongeant la camera, on constate que le profil du safran tribord est descendu le long de la mêche d'au moins 40 cm. Donc voici notre safran tout neuf d'Aruba rendu totalement inefficace. Il nous reste 300 miles nautique, et bien sur à faire en un bord, babord amure, donc en appui sur le safran défaillant.
Tout se lie pour nous empêcher d'arriver pour Noël à Nouméa. Le moral en prend un sacré coup. On se croyait enfin sorti d'affaire avec une belle météo stable jusqu'à la fin, et nous voici obliger de sous toiler le bateau pour qu'il aille droit. Heureusement, on a une équipe à terre de choc, et en rien de temps, Hervé et Philippe trouvent un réparateur pour le safran et nous assure d'une place au port pour notre arrivée. Donc il nous reste à prendre notre mal en patience. En effet, la mer va devenir de plus en plus forte forçant le Capado à réduire la toile. Nous sommes plus que sous foc, parfois même avec 1 ris dans celui ci, et avançons entre 4 et 5 noeuds. Le pilote luttant à chaque vague, il faut être en permanence à coté de la barre en cas de dérapage incontrôlé.
Finalement, le 23 Capado s'approche de l'ile des Pins et la houle se fait plus calme. On entre dans la passe de Sarcelle avec le courant (un peu de réussite ne fait pas de mal) et redécouvrons la stabilité. Qu'il est bon de se déplacer à bord sans être éjecter à chaque vague. Encore un peu de patience pour une arrivée de nuit à Port Moselle à Nouméa le 24 décembre à 1h50 locale.

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