Le 10 février au matin,
nous prenons l'annexe pour se renseigner à la marina ainsi que faire
nos papiers d'entrée. Carnaval oblige, tous les bureaux sont fermés,
donc pas de papiers pour l'instant. On aimerait néanmoins sortir le
bateau de l'eau pour un carénage rapide. On se dirige donc vers
Bahia Marina à 15 minutes à pied. A 300 mètres de la marina, un
mendiant nous approche, on pensait qu'il allait demander quelques
sous mais ce dernier nous montre un long couteau de cuisine plaqué
contre son avant bras. On n'a pas le temps de réaliser que 4 autres
gars courent vers nous. Le pantalon d'Adrien a beaucoup de poches,
donc seulement un des voleurs tente de prendre le sac de Capucine
avec tous nos papiers dedans. Les soutiens n'arrivent pas et Capu
réussit à le faire lâcher prise et tape un court sprint suffisant
pour trouver refuge auprès de Brésiliens pacifiques pas bien loin.
Adrien reste assis entourés de la bande des drogués au crack.
Chacun une poche, et le dernier la montre. Dans leur empressement, on
est tout de même sur une rue passante, la montre part en se cassant
(perdant ainsi toute valeur marchande, déjà bien faible) et la
bande se replie bredouille. On nous avait bien dit que le Brésil et
surtout Salvador étaient dangereux, mais on ne pensait vraiment pas
se faire braquer à 10 heures du matin sur un grand boulevard. Un
chemin que nos amis d'Aletis et Salamander ont régulièrement pris
d'ailleurs, mais plus après notre mésaventure. Il est dit qu'à
Salvador, les locaux se font braquer une fois par mois. Et bien
voilà, même pas un jour qu'on est là et on goute déjà aux
spécialités locales. On finit par arriver à la marina puis retour
en taxi, on ne se fera pas prendre 2 fois.
On retrouve nos amis
Irlandais de Toucan qui ont eu, pour l'Atlantique Sud, la compagnie
de leur fils, sa copine et un ami. On lie vite d'amitié et nous
voilà à bord de Toucan pour une bonne soirée débridée.
Le lendemain, l'équipage
de Salamander nous rend visite. On embarque Julian et c'est parti
pour la vieille ville et son internet café. On déjeune ensuite sur
la place en testant les plats locaux dont la Feijoada, une sorte de
Cassoulet avec une bien plus grande variété de pièces de viande,
allant jusqu'à de la langue, bref tout y passe. Ce n'est pas mauvais
quand on fait le tri, mais un cassoulet par 38 degrés à l'ombre,
c'est un peu riche. En rentrant aux bateaux, on passe par le marché
où Adrien passe sous les ciseaux du coiffeurs. 15 reals la coupe,
imbattable, et tellement plu frais après.
Le soir c'est carnaval.
Toucan, Salamander et nous embarquons dans deux taxis direction la
partie plus commerciale du Carnaval. Les bouchons n'en finissent pas.
Les taxis finalement font demi tour et se lancent dans un tour de la
ville à toute vitesse. C'est du délire, encore mieux que le grand
huit. Finalement, nous y sommes!!! La foule est immense, tout le
monde connait les danses, les camions aux 1001 enceintes et aux
milliards de watt assomment la foule à coup de basses surpuissantes
avec les groupes populaires chantant sur les plateformes au dessus.
Le chanteur passe sur le camion de tête puis un autre camion suit
plus loin avec toujours autant d'enceintes, un bar, des toilettes et
un poste de premiers secours. Entre les deux, des cordes sont tenues
par des locaux afin de garder le groupe de fans qui ont payé pour
être au sein de la caravane. La même musique 5 heures de suite,
faut aimer.... Nous on s'éclate à observer tout ca, tassé sur le
bord de la route. Attention à ne pas rester sur la voie car chaque
convoi ramène une foule très dense qui n'hésite pas à envoyer des
coudes en rythme pour se faire de la place. La police militaire
veille à tout débordement et ne rechigne devant aucune violence
pour appréhender les éléments un peu trop motivés. Autant se
tenir tranquille.
Le lendemain, c'est
toujours carnaval, mais cette fois on restera dans la vieille ville.
On y va tôt car la queue pour prendre l'ascenseur qui nous mène en
plein cœur du Pelurinho (vieux quartier) prend vite de l'ampleur
avec la fête qui approche. On retrouve Marteen d'Aletis ainsi que
les équipages de Toucan et Salamander. On commence par déambuler
dans le Pelurinho qui vit au rythme de groupes de percussions, des
grosses têtes, des fanfares. Une ambiance bien plus chaleureuse et
conviviale que la veille. Finalement le groupe se scinde entre ceux
qui veulent aller voir un fameux groupe de percussions (qui a joué
avec Michael Jackson) et ceux qui restent dans la vieille ville:
Marteen et nous. On teste les différentes brochettes vendues dans la
rue, bières et caïpirinhas. Au détour des rues, on suit tel ou tel
groupe puis vers 10 heures, une salle de concert ouvre. Samba ce
soir. Des brésiliens nous apprennent les pas de danse. Finalement,
on passera une super soirée en leur compagnie avant de rentrer bien
fatigués et déposer Marteen sur une Moto taxi pour rentrer à la
marina.
Le Carnaval est
maintenant terminé et il flotte comme une atmosphère de gueule de
bois sur la ville. C'est le grand nettoyage, alors on fait de même
pour le bateau.
On peut enfin faire nos
papiers d'entrée au pays. Une matinée entière ne sera pas de trop
avec un peu de marche et beaucoup de patience. A midi, nous avons la
joie de voir arriver sur notre ponton Louis Dominique et Constance,
oncle et tante d'Adrien installés récemment à Rio, accompagnés de
leurs filles Lætitia et Cécile, et surtout Mamidou, la grand mère
d'Adrien. Nous n'avions pas vu Mamidou depuis le départ du voyage,
et Louis Do et Constance voient le bateau pour la première fois.
Vraiment super d'être venus ainsi de Rio. Visite du bateau puis on
prend l'ascenseur et déjeuner dans la vieille ville. Ensuite nous
allons visiter l'église Sao Francisco. Une façade simple pour un
intérieur qui déborde de dorures, il y en a partout. Très en
contraste avec le cloitre voisin cintré d'azuleros (carreaux blancs
et bleus peints représentant des scènes religieuses). Puis nous
enchainons sur l'église voisine avec une guide un brin originale
mais francophone. Cette fois ci, c'est la façade qui déborde de
motifs alors que l'intérieur est plus classique. Il y a 350 églises
à Salvador, à l'époque où les riches familles portugaises
étalaient leurs fortunes, il leur fallait de beaux tombeaux et
quelques lieux de culte, d'où toutes ces églises. La grandeur de
cette ville est bien loin mais heureusement le centre est classé au
patrimoine de l'UNESCO et va donc éviter le sort du reste de la
ville, la construction galopante sans soucis de maintenir le
patrimoine.
Toute la famille est dans
une très jolie pousada (auberge). En rentrant vers l'ascenseur, on
se trompe d'une rue et trouvons des policiers militaires en train de
tenir en joue un groupe de jeunes. Décidément, l'insécurité est
partout, et les policiers n'ont pas l'air plus sûrs que les autres.
Après tous ces
kilomètres, on se paie un moment de détente avec une sortie dans la
baie de tous les saints sur le Capado. Petite navigation de 10 nm
avant de mouiller devant une plage de l'ile d'Itaparica. L'eau est à
30 degrés, du jamais vu. On se baigne, on pique nique puis retour au
près. Louis Do, Constance et même Mamidou barrent le bateau alors
que l'on gite allègrement sur cette mer plate. On dine tous ensemble
sur une petite place pas trop loin de leur pousada, carne do sol,
feijao, aipim.... Cuisine simple mais méfiez vous des portions, un
plat vaut pour deux estomacs européens.
Direction les fameuses
plages un peu au nord de Salvador. Toute la famille embarque dans un
petit bus, puis on attaque le tour de la ville passant par différents
hôtels pour embarquer d'autres clients du tour. On en profite pour
admirer un urbanisme ravagé par des complexes qui poussent un peu
partout sans forcément les infrastructures qui vont avec. Les plages
connues pour le surf, mais on a vu mieux. Nous quittons enfin cette
ville tentaculaire pour traverser des dunes de sable blanc et arriver
à la Playa do Forte. On nous l'avait présenter comme une réserve
naturelle, il n'en est rien. C'est une enclave touristique avec plein
de petites maisons, des boutiques à n'en plus finir, et un centre de
conservation des tortues, nombreuses à nidifier sur ces côtes. On
tente d'aller voir des poissons en snorkeling pendant que Louis Do,
Cécile et Laetitia visitent le centre. Le récif est bien vide pour
une réserve... Ensuite, tout le monde retourne dans le bus,
direction une autre plage pour le déjeuner. On se retrouve en plein
Cap d'Agde, avec musique à fond, vrombissement des moteurs des
parapentes qui décollent de la plage, et vendeurs ambulants vantant
leurs produits. Malgré la population, ces plages sont
impressionnantes par leur longueur et très jolie avec leurs
cocotiers abondants. Finalement, on passe du bon temps en famille et
c'est bien ce qui compte. Retour en bus.
Au bateau, nous
retrouvons le père Etienne, officiant dans la paroisse de la favela
des Alagados. Cette église fut visitée par le pape Jean Paul 2 en
1982. On prend l'apéro sur le bateau puis on remonte en ville pour
le diner. Une soirée très intéressante avec une personne qui vit
vraiment au milieu des plus pauvres, tellement nombreux à Salvador.
Le lendemain, c'est
dimanche, on se retrouve donc tous dans l'église au milieu de ce
quartier qui vivait avant sur pilotis. Le marécage a depuis était
comblé petit à petit. Belle messe en Portugais où on a presque
tout compris, si si. Puis le père Etienne veut nous montrer une
chapelle non loin de là, mais il faut tout de même aller à pied
pendant 300 mètres en plein cœur de la Favela. Tant que le père
Etienne est en tenue d'homme d'église, on est en sécurité car le
respect de la religion est très ancré dans les mœurs, du moins
nous l'assure-t-il. Ça n'empêchait pas la police de venir
assassiner 50 jeunes par ans juste derrière l'église, justice
expéditive en quelque sorte. Cécile et Lætitia sont super
blondes, ce qui attire pas mal de regards sur notre passage. De toute
façon, une famille de blancs dans une favela ne peut passer
inaperçue. Visite de la chapelle puis retour en taxi à l'hôtel.
Un grand merci au père
Etienne pour nous avoir accueilli ainsi et partager un peu de son
expérience, ainsi qu'aux paroissiens pour leur chaleureux accueil.
Dernier déjeuner puis
toute la famille repart vers Rio. On aura passer 4 jours vraiment
trop sympas, revoir ainsi la famille en plein voyage était inespéré.
Dans la foulée, on
retrouve Alex et Mélanie, eux aussi venus de Rio mais en bus. Quel
courage! On ne les avait pas vu depuis Barcelone! Ils ont logés chez
Vincent et Marylène, connaissances de Mélanie, dans une superbe
maison d'époque et très bien retapée. D'origines bretonnes, et
surtout de l'ile d'Ars, on commence par des Caïpirinhas mais on
finit par des galettes maison. Au moment de rentrer, on tente de
prendre un taxi, mais pas de trafic et rester trop longtemps statique
devient dangereux. Changement de plan, Vincent nous fait passer par
des rues sûres afin de trouver un taxi. Ouf, on ne voulait pas trop
réitérer l'expérience du premier jour.
Une bonne matinée pour
faire les papiers de sortie de l'état de Bahia. Déjeuner dans une
cantine au kilo, puis une dernière soirée en ville une fois les
cales du bateau remplies.
Le lendemain, on attend
la mi journée et la marée descendante pour sortir de la baie de
tous les saints. On contourne le phare au sud et c'est parti pour du
près. On alterne entre pilote et barreurs quand la mer devient trop
remuante. Alex navigue depuis longtemps et avoir un barreur
supplémentaire à bord est fort apprécié. On tire des bords le
long de la côte, face au courant. Autant dire que ca ne va pas bien
vite. Mélanie s'adapte bien à la vie gitée, donc tout roule à
bord. Un matin, en 1 heure, on pêche deux tazars (des cousins du
baracuda) très goutus et d'un bon gabarit pour 4.
Finalement, le 23, le
vent adonne et nous permet d'envoyer le reacher rendant les derniers
milles bien plus rapides. On est dimanche 24 février à la pointe de
Cadabello pour rentrer dans la rivière de Jacare. On retrouve alors
Marc et Maria sur Mare Liberum, Chris, Susan et Julian sur
Salamander, Marteen sur Aletis. Tout ce beau monde se retrouve à
bord du Capado pour une soiréee Caïpirinhas. Adrien ayant perdu le
pari sur l'heure d'arrivée s'affaire aux cocktails.
Si on est venus à Joao
Pessoa c'est pour kiter. Mare Liberum et Capado avec leurs bardats,
direction la plage et le spot à une petite heure de marche. Au cours
de la semaine, on prendra de plus en plus le taxi et autres moyens
pour éviter cette trop longue marche sous la fournaise. Les journées
vont s'écouler ainsi: kite, pic nique sur la plage, re Kite puis
retour à la marina pour un grand barbecue avec les bateaux amis.
Le spot est vraiment
super à marée basse avec une grande plage en pente douce. Sur
place, Junio, appelé the Hand (de part son handicap consistant en 1
gros doigt au lieu de 4 à la main droite, ce qui ne l'empêcha pas
d'être un grand champion de windsurf, puis de kite), a un local et
loue du matériel. Avec la Gopro d'Alex en plus, on s'amuse à faire
pas mal de vidéos.
Après quelques jours,
nous rencontrons Libertad de Terry et Silka, partis d'Afrique du Sud
pour un tour du monde. Arrivent aussi Toucan avec Conor et Marion, et
Usquabae avec Carol et Emile. La tablée pour les barbecues
s'allonge. Puis arrive Sputnik, tant attendu, avec Erik et Gareth.
Entre temps le vent est
un peu monté rendant le kite bien meilleur. Mark avec son aile de
14, Maria avec son aile de 12 se déhalaient bien dans le peu de vent
du début, mais Adrien avec sa 9 était plus à la lutte. Le
renforcement du vent arrive donc à point pour explorer d'autres
façons de kiter tels que les sauts et l'éternel entrainement aux
changement de pied. Tout le groupe progresse bien. Emile prend des
cours avec Junio, ainsi que Gareth et Alex. Ils se débrouillent tous
les trois très vite, avec une palme spéciale pour Alex.
Encore de belles journées
qui se finissent autour du barbecue, chacun apportant sa
contribution. Du fait d'avoir été coupé du monde ces deux
dernières année, nous sommes un peu décontenancés face à
l'importance qu'on pris les tablettes et smart phones. Dès qu'il y a
un signal internet, nous perdons vite tout contact avec Alex et
Mélanie. Ils nous parlent de toutes les applications qu'il y a et on
mesure combien on est largués.
Le 1er mars, Mélanie
décolle pour continuer son périple de 5 mois qui l'emmène dans
plein de cultures différentes, de la Patagonie au Japon. Merci
d'avoir partagé ce bout de Brésil avec nous avant d'explorer le
Pérou.
Pour la première fois du
voyage, la flotte des tour du mondistes croise la route de ceux sur
le départ où qui restent en Atlantique. Étonnamment, les bateaux
venant de l'Afrique du Sud sont au mouillage, alors que les autres
sont au ponton. Pour les barbecues, chacun des tour du mondiste
participe alors que les autres dinent soit à leur bateau soit goute
à la cuisine de Christian qui tient le bar de la Marina avec son
fils Marc venu lui prêter main forte.
Samedi 2, ce sont les
soixante ans de Christian et une belle occasion de faire se
rencontrer les deux flottes. On passe une super soirée entre
barbecue, littres de Caïpirinha, Musique à fond et Emile qui joue
de la guitare. Capu prête main forte au stand cocktails pendant
qu'Adrien crame des kilos de viande au bbq. Le lendemain, les cheveux
poussent à l'intérieur et il pleut, donc point de kite. On visite
le randonneur 11,80 de Christian (un autre) fait de ses propres mains
en 5 ans. La philosophie de l'intérieur est très semblable au
Capado mais en plus grand. On voit bien le potentiel que peut avoir
ce type de plan avec un peu plus de longueur. Alex nous quitte à son
tour pour retourner à Rio avec 50 heures de bus en prévision.
Courage et merci beaucoup d'avoir fait tout ce bus pour naviguer
avec nous.
Il pleut toujours alors
Mare Liberum, Sputnik, Toucan et Capado partent pour les formalités
de sortie du Brésil qui nécessitent la matinée entière dans des
bureaux surclimatisés où un pull ne serait pas de trop, absurde
quand il fait 35 dehors. Ça sent le départ, Capu fait les
aller-retours en annexe pleine de jerricans pour le plein d'eau alors
qu'Adrien gratte la coque bien colonisée dans cette rivière riche
en vie sous marine.
On est autorisé à
rester 72 heures une fois les papiers remplis. On attaque le gros
avitaillement avant une dernière session de kite débridée et un
gros 360 à la clef pour Adrien. C'est sans doute la dernière fois
que nous allons partager de bons moments avec les amis avant de
rejoindre les caraïbes, la foule des bateaux et nos plannings qui
diffèrent. Ainsi on embarque tous dans un taxi pour un Churasqueria.
Le concept est simple, un buffet libre, des serveurs qui font le tour
des tables avec de grandes brochettes de viandes et vous coupent des
morceaux à la demande, seul les boissons et les desserts ne sont pas
inclus. Mare Liberum, Sputnik et Capado étant dépourvus de
réfrigération, il y a une forte volonté de profiter un maximum de
la viande. Pleins comme des outres, nous rentrons aux bateaux pour un
départ le lendemain.
Mare Liberum ouvre le bal
en fin de matinée, puis Toucan après le déjeuner. On voulait
partir en même temps qu'eux mais une de nos ancres reste bien
accrochée au fond. On lutte puis elle se libère, pas besoin de
plonger. Vu le peu de visibilité sous l'eau, c'est rassurant. Nous
sortons donc de la rivière avec Toucan en ligne de mire. Plus tard,
ce sera au tour de Sputnik de s'élancer.
Ce fut un séjour
brésilien très riche, entre la folie du Carnaval, la visite de la
famille, la visite de nos amis de Barcelone, le séjour vacances
entre kite, amis et barbecues. C'est la fin d'un grand bout
d'histoires communes avec cette flotte de bateaux devenus des amis,
nous retournons maintenant vers l'hémisphère nord et son parfum
d'écurie.