Nous sommes le 17 mai, le
soleil vient de se lever, il fait très froid à bord à cause du
vent de sud, il est temps de partir. D'ailleurs on n'est pas les
seuls à sauter sur l'occasion. Il y a la queue au bureau des
douanes. Capucine part dépenser nos derniers dollars néo zélandais
dans un leurre et un long couteau à filets, il n'y a plus qu'à
pécher un bon gros poisson. Tout le monde part surtout pour la
Nouvelle Calédonie, d'autres vers les Tonga ou les Fidji et
certains, plus téméraires, pour Tahiti. C'est aussi le défilé des
backpackers qui cherchent des embarquements vers des latitudes plus
chaudes. Nous sommes les seuls à partir pour l'Australie.
On s'attendait du coup à
un départ groupé, mais on se contentera juste de sortir avec un
catamaran jusqu'à la fin de la baie of Island. Le vent monte, on
passe de reacher et GV haute à 1 ris dans le foc et 2 dans la GV,
Capado allonge la foulée au travers, cap au nord. Un albatros royal
nous rendra visite plusieurs jours de suite. Il passe tout près, par
sous le vent puis retourne à ces occupations avant de refaire un
tour le lendemain. C'est beau de voir ces oiseaux planer sans fin sur
les vagues avec leur grande envergure.
La mer est encore bien
agitée mais se calme rapidement avec le vent, on s'approche de
l'anticyclone et de l'ile de Norfolk. On renvoie de plus en plus de
tissu. D'ailleurs, dans un changement de voile, alors que la houle
fait valser la GV, l'écoute de cette dernière attrape au passage la
barre tribord (réparée depuis Aruba) et la casse à l'endroit même
de la réparation. Pour la suite du périple, on changera donc
l'autre barre de côté à chaque changement d'amure.
En tout cas, cela fait
bien plaisir de profiter d'une mer calme avec un temps sans nuages et
une douce glisse. On revoit ainsi notre planning d'ici à Cape Town,
c'est qu'il reste beaucoup de milles à parcourir et la montre
tourne. Dure décision, mais sage, nous n'irons pas en Papouasie et
économiser ainsi 1000 nm.
Le soir, Capu se couche
la première à 20h alors qu'il fait déjà bien nuit et se fait
réveiller une demi heure plus tard par les sons des dauphins qu'on
entend très bien à travers la coque. Adrien va donc les chercher du
regard sur le pont mais il n'y a pas de lune et peu de planctons. Le
même scénario se répètra plusieurs soir de suite.
Le 20, nous apercevons
l'ile de Norfolk distante de 22 nm, petite ile Néo Zélandaise un
peu seule sur la route des anticyclones. Le vent est toujours faible
mais on peut commencer à tourner vers Brisbane. C'est un beau tour
de la paroisse que nous sommes en train de faire. Encore 3 jours et
on sera clairement dans le bon courant d'air.
On troque le spi de tête
contre le spi fractionnel, on prend 2 ris dans la GV et c'est parti
pour les grandes vitesses. Le pilote tient bien, du coup c'est un
régal. Adrien prendra quand même la barre histoire de s'amuser un
peu et faire une pointe à 14,3 nœuds dans un surf interminable. On
slalome aussi entre les grains pour rester au sec, c'est un exercice
amusant, surtout avec la barre à changer à chaque fois. Le
lendemain, le vent tourne progressivement au nord, du coup on passe
sous reacher, toujours à pleine balle. L'annonce d'un coup de vent
sur Brisbane pour notre arrivée motive pour avancer et espérer
arriver avant la bascule au Sud. Capucine prépare un gros gratin de
pâtes en prévision du sale temps.
Raté, à 70 milles au
Nord Est de l'ile Moreton, une barre noire se met en travers de notre
route. On s'équipe en vitesse et commençons à affaler le foc et
prendre 3 ris dans la GV avant d'envoyer la trinquette. En 10
minutes, le vent passe de 15 nœuds de Nord à 40 nœuds de sud
ouest. La bascule progressive, comme annoncée, par l'ouest n'aura
pas lieu. C'est du propre, nous sommes maintenant au près dans une
mer de plus en plus mauvaise (houle de Sud vient s'ajouter à la
houle d'Est). Par la magie du Satellite, Capucine peut appeler la
terre (Hervé est notre ange gardien, monsieur météo pendant les
traversées). Le plus dur ne durera que quelques heures. Ouf....
Malgré cela, il nous
reste maintenant 70 milles au près, et c'est pas sympa. Adrien devra
barrer toute la nuit car le pilote ne sait pas où donner de la tête
dans ces remous chaotiques. Capucine prend donc le relais à la table
à carte et tient compagnie à Adrien pour le garder éveillé. En
approche de la terre, on passera juste devant l'étrave d'un pécheur
au thon qui ralentit exprès. Impressionnant de passer aussi près
dans une nuit sans lune avec une mer forte. Un grand moment de
stress....
Au petit matin, le vent
se calme et nous sommes assez près des cotes pour ne plus avoir de
mer, le pilote reprend du service et Adrien file se coucher. C'est
qu'il fait froid! Cirés, bonnets, sous couches sont de sortie. Le
vent du Sud nous apporte toute la fraicheur de Tasmanie.
On entre dans la baie de
Moreton et le vent se calme même complètement, plus de vent du
tout. Le moteur prend donc du service à son tour. On s'engage dans
la rivière de Brisbane à 16h, contre le courant avant de rejoindre
la Riversgate marina y retrouver les douanes. Il est 18h quand on
arrive, mais on a du mal à trouver le ponton de Quarantaine. Ce
dernier étant caché et occupé par un gros Megayacht. Les agents
des douanes viendront donc au ponton fuel.
De ponton à ponton, nous aurons parcouru 1450 nm pendant 226.75 heures, soit 6.39 noeuds de moyenne. La route directe était de 1243 nm, mais un détour par Norfolk s'imposait pour garder un vent favorable.